Avenant actant du remplacement d’un des membres du groupement titulaire et référé contractuel

Compte tenu de ce qu’est l’office du juge du référé précontractuel (article L. 551-1 du CJA), un avenant ne peut faire l’objet d’un référé précontractuel que pour autant que sa conclusion est soumise à des obligations de publicité et de mise en concurrence (CE, 11 juillet 2008, Ville de Paris, n° 312354, A). Ce qui est le cas dans la mesure où les règles qui sont posées pour la conclusion de l’avenant ont été méconnues : il n’était pas possible de recourir à un avenant ; il aurait fallu conclure un nouveau marché ; ce marché était soumis à des règles de publicité et de mise en concurrence ; ces règles ont été par définition méconnues.

Alors que le juge du référé précontractuel est saisi « avant la conclusion du contrat » (article L. 551-1 du CJA), la saisine utile de ce juge concernant un avenant n’est pas acquise.

Reste le référé contractuel. La décision commentée le démontre.

En l’occurrence, était contesté par un référé contractuel un avenant par lequel les parties à un marché d’assurance responsabilité civile actaient de la substitution d’un des membres du groupement titulaire par un autre. La demande a été rejetée en première instance, le juge ayant considéré que cette substitution ne constituait pas une modification du titulaire soumise aux dispositions du code de la commande publique portant sur la modification des marchés, dans la mesure où la substitution concernait seulement un membre du groupement, dont le mandataire demeurait inchangé.

Le Conseil d’Etat commence par relever qu’au regard de ses pouvoirs (article L. 551-13 du CJA), le juge du référé contractuel est, comme son prédécesseur, compétent pour statuer sur un avenant que lorsque la conclusion de cet accord est soumise à des règles de publicité et de mise en concurrence.

Pour l’application des règles du code de la commande publique relative à la modification des marchés (articles L. 2194-1 et R. 2194-1 et suivants du CCP), le Conseil d’Etat précise ensuite que la substitution au cours de l’exécution du marché d’un membre du groupement titulaire par un autre « constitue une modification du titulaire du marché qui ne peut valablement avoir lieu sans mise en concurrence que dans les cas prévus » par le code. En estimant le contraire, le premier juge a commis une erreur de droit.

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat relève que le changement de titulaire acté par l’avenant ne respecte pas le droit de la commande publique (en particulier puisque la modification n’était pas permise par une clause de réexamen). Cette irrégularité pouvait justifier une annulation de l’avenant, à laquelle faisait cependant obstacle une raison impérieuse d’intérêt général (article L. 551-18 et L. 551-19 du CJA). Une pénalité de 5 000 euros est infligée à l’acheteur.

Il semble donc pertinent pour les acheteurs d’inclure dans leurs contrats des clauses qui permettront une substitution des membres du groupement titulaire en application de l’article R. 2194-6 du code de la commande publique. On pourra se poser la question de savoir si les dispositions du CCAG travaux applicables en cas de défaillance du titulaire lorsque ce dernier est un groupement conjoint dont le mandataire est solidaire (article 52.7 du CCAG travaux 2021) répondent aux prescriptions de ce dernier article du code de la commande publique.

Conseil d’Etat, 16 mai 2022, SHAM, n° 459408, B

Vendredi, 16 Septembre, 2022 - 17:07