Délai de prescription de l’action en responsabilité contractuelle du maître d’ouvrage post-réception : le Conseil d’Etat s’aligne sur le juge judiciaire !

Dans un arrêt du 12 avril 2022, le Conseil d’Etat est venu se prononcer sur l’application de l’article 1792-4-3 du Code civil à un litige entre un maître d’ouvrage public et un constructeur. Pour rappel, cette disposition civile, en vigueur depuis 2008, prévoit que l’action en responsabilité contractuelle du maître d’ouvrage à l’encontre des constructeurs et de leurs sous-traitants se prescrit par 10 ans à compter de la réception des travaux.

Si traditionnellement la réception des travaux met fin à la faculté pour le maître d’ouvrage public d’engager la responsabilité contractuelle de l’un des constructeurs en ce qui concerne l’état de l’ouvrage achevé, elle demeure sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l’exécution du marché, lesquels s’achèvent par l’intervention du décompte général et définitif.

Dans le cas d’espèce, le Département de la Vendée avait été condamné dans le cadre d’un litige avec le titulaire d’un lot de construction d’un musée. Estimant que les manquements étaient entièrement imputables au maître d’œuvre, et alors que son décompte général n’était pas devenu définitif, le Département a engagé la responsabilité contractuelle de son maître d’œuvre pour obtenir une indemnisation du préjudice né de cette condamnation.

Alors que sa requête avait été rejetée par le Tribunal administratif, le Département a obtenu la condamnation du maître d’œuvre devant la Cour administrative d’appel. Ce dernier s’est pourvu devant le Conseil d’Etat en avançant que l’action en responsabilité contractuelle du Département était prescrite.

Le Conseil d’Etat raisonne en trois temps dans sa décision en considérant :

  1. que l’action entre constructeurs se prescrit par 5 ans (délai de droit commun) en application de l’article 2224 du Code civil ;
  2. que les dispositions de l’article 1792-4-3 du même Code « figurant dans une section du code civil relative aux devis et marchés et insérées dans un chapitre consacré aux contrats de louage d'ouvrage et d'industrie, [et] ont vocation à s'appliquer aux actions en responsabilité dirigées par le maître de l'ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants » ;
  3. que, au regard des faits de l’espèce, les membres d’un groupement de maîtrise d’œuvre ayant la qualité de constructeurs, l’action en responsabilité contractuelle prévue par l’article 1792-4-3 du Code civil se prescrit par 10 ans et, partant, que l’action (sur ce fondement) du Département n’était pas prescrite.

Avec cet arrêt mentionné aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat vient donc apporter une clarification de la jurisprudence administrative en matière de prescription des actions en responsabilité. Ainsi, une distinction est bien opérée entre le délai de prescription pour les actions entre constructeurs et celle, sur le fondement contractuel, entre le maître d’ouvrage et les constructeurs.

La Haute Juridiction reprend la position du juge judiciaire (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 16 janvier 2020, 18-25.915, Publié au bulletin) et assure un alignement du régime des prescriptions pour les maîtres d’ouvrages publics et privés.

Conseil d’Etat, 12 avril 2022, « Société Arest et autres », n° 448946, mentionné aux tables du recueil Lebon

Mardi, 21 Juin, 2022 - 16:51