Le Conseil d’Etat limite le contrôle du juge administratif sur la pondération des critères d’attribution d’un marché public

Saisi d’un pourvoi contre l’arrêt n°17NT01869 de la Cour administrative d’appel de Nantes du 29 mars 2019 (précédemment commentée), le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 10 juin 2020, retient une approche limitée du contrôle du juge quant à la pondération des critères mise en place par les acheteurs publics.

Dans cette affaire, la pondération des critères était la suivante : 90% pour le critère technique et 10% pour le critère prix. La juridiction d’appel avait considéré qu’une telle pondération était « disproportionnée » et que l’acheteur n’établissait pas sa « nécessité au regard de l'objet du marché de prestations de formation ».

Le Conseil d’Etat retient quant à lui, à propos des critères d’attribution d’un marché, que :

« Ces critères doivent être liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, être définis avec suffisamment de précision pour ne pas laisser une marge de choix indéterminée et ne pas créer de rupture d'égalité entre les candidats. Le pouvoir adjudicateur détermine librement la pondération des critères de choix des offres. Toutefois, il ne peut légalement retenir une pondération, en particulier pour le critère du prix ou du coût, qui ne permettrait manifestement pas, eu égard aux caractéristiques du marché, de retenir l'offre économiquement la plus avantageuse».

Ainsi, si les critères d’attribution doivent être suffisamment précis pour ne pas porter atteinte au principe d’égalité entre les candidats, l’acheteur, comme déjà affirmé à plusieurs reprises (cf. notamment CE, 28 avril 2006, Commune de Toulouse, n°280197), choisit librement la pondération de ces derniers.

Le Conseil d’Etat précise cependant que la pondération des critères ne doit pas empêcher, de façon manifeste, de retenir l’offre économiquement la plus avantageuse, ce qui limite par conséquent l’office du juge à l’erreur manifeste d’appréciation (contrôle restreint).

N’ayant pas identifié de telle erreur manifeste dans le cas d’espèce, le Conseil d’Etat conclut que :

« […] en jugeant qu'une telle pondération était irrégulière au motif qu'elle était " particulièrement disproportionnée ", que le ministre de la défense n'en établissait pas la nécessité et qu'elle conduisait à " neutraliser manifestement " le critère du prix, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit. ».

Cet arrêt du 10 juin 2020 encadre donc davantage les pouvoirs du juge lorsqu’il est saisi afin de contrôler pondération des critères d’attribution d’un marché public que les modalités de cette pondération, sur lesquelles il n’apporte aucune précision nouvelle.

Les acheteurs savent que la pondération ne peut conduire à ne pas retenir l’offre économiquement la plus avantageuse mais n’ont pas plus d’indices quant à la bascule qui peut rendre leur pondération, notamment entre les aspects qualitatifs et le prix, irrégulière. Dès lors, lorsque la pondération est très forte, la prudence s’impose, même si l’office du juge est limité à l’erreur manifeste.

Conseil d’Etat, 10 juin 2020, Ministre des Armées, n°431194

Mardi, 24 Novembre, 2020 - 14:38