De nouvelles mesures prises par décret pour améliorer l’efficacité du contentieux de l’urbanisme

Le décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 comprend une série de mesures - intégrées au Code de l'urbanisme et au Code de justice administrative - qui viennent modifier le contentieux de l’urbanisme dans le but d’en améliorer l’efficacité et partant, de sécuriser les projets de construction notamment dans le domaine du logement. Ces dispositions entreront en vigueur le 1er octobre prochain. Elles constituent le premier volet d'une réforme qui sera complétée par la loi ELAN.

1. Durcissement des conditions de recevabilité des requêtes

Un nouvel article R. 600-4 intégré au Code de l'urbanisme impose au requérant de fournir, sous peine d'irrecevabilité, les pièces nécessaires à l'appréciation de son intérêt à agir.

Il s’agit des pièces visées par l'article L.600-1-2 du Code de l'urbanisme : titre de propriété, promesse de vente, bail, contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du CCH, contrat de bail ou tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l'occupation ou de la détention de son bien par le requérant.

Les requêtes introduites par les associations doivent également, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées de leurs statuts, ainsi que du récépissé attestant de leur déclaration en préfecture.

Le texte ne prescrit aucun délai encadrant la fourniture de ces pièces et ne fait pas état d'une possibilité de régularisation en cours d'instance. L'inertie du requérant pourrait être sanctionnée, semble-t-il, après mise en demeure du juge, par une ordonnance d'irrecevabilité manifeste fondée sur l'article R. 222-1 du Code de justice administrative.

La mesure d’applique à toute requête dirigée contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol intervenue après le 1er octobre 2018

 

2. Mesures visant à réduire les délais de jugement

Prolongation du dispositif de suppression de l’appel en zones tendues

Le Décret prévoit la prolongation jusqu'au 31 décembre 2022 du dispositif prescrivant, à titre temporaire, la suppression de la voie de l'appel dans les « zones tendues », pour les contentieux contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d'habitation ou contre les permis d'aménager un lotissement  (CJA art.R811-1-1 modifié).

 

Cristallisation automatique des moyens

Le mécanisme de cristallisation des moyens déjà prévu au CJA (art.611-7-1)  pour tout type de contentieux permet au juge de fixer une date au-delà de laquelle les moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués.

Ce dispositif devient automatique en matière de contentieux d’urbanisme, c'est-à-dire pour les requêtes relatives à une décision d'occupation ou d'utilisation du sol (sauf si la décision est contestée par le pétitionnaire) en première instance, comme en appel.

En application du nouvel article R. 600-5 du Code de l'urbanisme, les parties ne pourront donc plus invoquer de moyens nouveaux, passé un délai de 2 mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense.

Toutefois, à tout moment, cette date pourra être reportée par le magistrat si le jugement de l'affaire le justifie (par exemple, si le mémoire en défense ne comporte qu'une fin de non-recevoir sans argument relatif au fond).   

 

Délai de jugement fixé à 10 mois

Le décret fixe un délai de jugement réduit pour certains dossiers jugés prioritaires. Aux termes d'un nouvel article R. 600-6 du Code de l'urbanisme, le juge devra ainsi statuer, en première instance comme en appel, dans un délai de 10 mois sur les recours contre les permis de construire un bâtiment comportant plus de deux logements ou contre les permis d'aménager un lotissement.  Cette mesure n’est toutefois pas assortie de sanction.

Seront concernées les requêtes enregistrées à compter du 1er octobre 2018 (D., art. 9, IV).

 

Délai de recours réduit pour les constructions achevées

L'article R 600-3 du Code de l'urbanisme limite dans le temps la possibilité d'introduire un recours en annulation une fois la construction achevée. Le délai initialement fixé à un an à compter de l'achèvement des travaux est ramené à 6 mois. Cette mesure ne s'appliquera qu'aux requêtes dirigées contre des décisions intervenues après le 1er octobre 2018.

 

3. Consécration de l'attestation de non-recours

Un nouvel article R. 600-7 du Code de l'urbanisme avalise une pratique consistant, pour le titulaire d'une autorisation d'urbanisme, à obtenir auprès du greffe de la juridiction administrative concernée une attestation de non-recours. Ce certificat attestera de l'absence de recours, d'appel ou de pourvoi ou indiquera, à l'inverse, la date d'enregistrement d'un recours, appel ou pourvoi existant. Néanmoins, le décret ne modifie pas la portée de ce document qui demeure informatif sans garantir le caractère définitif d'une autorisation.

Cette mesure entrera en vigueur le 1er octobre 2018.

 

4. Elargissement du champ d'application de la notification des recours

Le Décret étend le champ d'application matériel de l'obligation de notification des recours fixée par l'article R. 600-1 du Code de l'urbanisme aux recours introduits contre toutes « décisions relatives à l’occupation ou l’utilisation du sol ». Cette formule plus largeque la précédent qui ne visait que les requêtes ou recours administratifs dirigés contre les décisions de non-opposition à déclaration préalable, de permis de construire, d'aménager ou de démolir inclut ainsi les refus de retrait ou d'abrogation et les refus de constat de caducité. Cette mesure s'appliquera aux requêtes engagées contre les décisions intervenues après le 1er octobre 2018.

 

5. Mention dans les autorisations d’urbanisme de la date d’affichage en mairie de la demande d’autorisation

Le décret modifie les articles R. 424-5 et R. 424-13 du Code de l'urbanisme afin qu’ils prévoient que la date d'affichage en mairie de la demande d'autorisation du pétitionnaire  soit mentionnée dans la décision octroyant le permis, la non-opposition à déclaration préalable et le certificat d'autorisation tacite. Pour mémoire, cette date sert de référence, en cas de contentieux, pour apprécier l’intérêt à agir du requérant (Art. L.600-1-1 et L.600-1-3 Code de l'urbanisme).

Cette mesure a vocation à s'appliquer aux demandes d'autorisation et déclarations préalables déposées depuis le 1er octobre 2018 mais aussi, en application d'une jurisprudence classique, aux instructions en cours à cette date (CE,7 avril 1976 n°99013).

 

6. Désistement présumé en cas de rejet d’un référé suspension

Le décret introduit dans le Code de justice administrative une mesure relative aux référés suspensions, applicable à l’ensemble des contentieux devant les juridictions administratives.

Le nouvel article L. 612-5-2  prévoit qu'en cas de rejet d'une demande de suspension fondé sur une absence de moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte, le requérant sera tenu de confirmer le maintien de sa requête au fond. A défaut, il sera réputé s'être désisté. Cette confirmation devra intervenir dans le mois suivant la notification de l'ordonnance de rejet et ne s'imposera pas en cas de pourvoi en cassation.   

Cette mesure est applicable aux requêtes à fin d’annulation ou de réformation enregistrées à compter du 1er octobre 2018.

 
Décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 portant modification du Code de justice administrative et du Code de l'urbanisme (parties réglementaires)

 

Mercredi, 12 Septembre, 2018 - 14:44