Le marché à forfait inclut les travaux supplémentaires nécessaires à la réalisation de l’ouvrage

Par un arrêt de principe qui fera l'objet d'une publicité renforcée, la troisième chambre civile de la Cour de cassation confirme sa jurisprudence rigoureuse sur l'application de l'article 1793 du Code civil relatif au marché à forfait.

Cette décision réaffirme catégoriquement que dans le cadre d'un marché à forfait, ne constituent pas des travaux supplémentaires, ouvrant droit à rémunération pour l'entrepreneur, les travaux non décrits ou non prévus qui sont nécessaires à la réalisation de l'ouvrage.

Dans les faits de l’espèce, un entrepreneur était chargé du lot gros oeuvre-démolition pour la rénovation d’une agence bancaire.

Au titre du descriptif des travaux annexé au marché, il était prévu la démolition du plancher béton sur sous-sol. Or, ce descriptif était erroné. En l'absence de sous-sol, il s'est en effet avéré, après démolition de la dalle béton, que celle-ci reposait sur une assise granitique rocheuse compacte qui a rendu indispensables des travaux de déroctage afin de permettre l'abaissement de la dalle et le respect de la réglementation d'accès aux personnes handicapées.

L’entrepreneur a poursuivi le maître de l’ouvrage en paiement des travaux supplémentaires de déroctage.

Les juges d’appel ont accueilli sa demande, considérant que l’intangibilité du prix ne pouvait être invoquée que pour les travaux que l’entrepreneur s’était engagé à réaliser, c’est-à-dire ceux exclusivement définis dans les plans et documents contractuels. Selon eux, les  travaux de déroctage, non prévus dans le marché à forfait, devaient ainsi être payés par le maître de l’ouvrage.

La Haute juridiction casse l’arrêt pour violation de l’article 1793 du code civil en énonçant le principe selon lequel « en cas de marché à forfait, les travaux supplémentaires relèvent du forfait s'ils sont nécessaires à la réalisation de l'ouvrage ». 

Cet arrêt s’inscrit dans la lignée des précédentes décisions rendues par la Cour de cassation.

Il a, en effet, déjà été jugé que :

  • La Cour de cassation a ainsi cassé un arrêt d’appel ayant retenu le caractère imprévisible de certains travaux non prévus dans le marché initial alors que ces travaux étaient nécessaires à la réalisation de l'ouvrage (Cass. 3e civ., 19 mai 2009, n° 08-14.107).
  • Les éléments indispensables à la sécurité de l’immeuble doivent être intégrés dans le marché forfaitaire initial et ne peuvent faire l’objet d’une rémunération au titre des travaux supplémentaires (Cass. 3e civ., 8 juin 2005, n° 04-15.046).

Pour être qualifiés de supplémentaires, les travaux ne doivent donc pas seulement s'écarter du descriptif joint au marché, mais ils doivent résulter d'une modification de l'objet du contrat demandée par le maître d'ouvrage lui-même, et ce dans le respect des conditions prévues par l’article 1793 du Code civil (ratification expresse ou tacite).

Aussi, il convient d’opérer une distinction entre (i) les travaux supplémentaires proprement dits qui ouvrent droit à rémunération et qui correspondent à l'hypothèse d'une modification demandée par le maître d'ouvrage et (ii) les travaux complémentaires qui peuvent concerner des travaux non prévus, mais qui se révèlent nécessaires à la réalisation d'ouvrages conformément aux règles de l'art. Le maître d’ouvrage n’est pas tenu de rémunérer ces derniers.

 

Cass. 3e civ., 18 avril 2019, n° 18-18.801

Lundi, 17 Juin, 2019 - 15:40