Quel est le juge compétent pour établir le décompte lorsque le maître d’ouvrage est défaillant ?

La CCAG Travaux, dans sa version antérieure à 2014, prévoyait qu’en cas d’ « absence de notification au titulaire du décompte général signé par le représentant du pouvoir adjudicateur, dans un délai de trente jours à compter de la réception de la mise en demeure » , la titulaire du marché de travaux pouvait « saisir le tribunal administratif compétent » (CCAG travaux 2009, article 13.4.2).

Le Conseil d’Etat rappelle qu’une fois le tribunal administratif régulièrement saisi, le pouvoir adjudicateur perd la possibilité de régulariser son défaut d’action, en indiquant que « [d]ans l’hypothèse où la personne publique notifie le décompte général postérieurement à la saisine du tribunal, le litige conserve son objet et y a lieu pour le juge de le trancher au vu de l’ensemble des éléments à sa disposition, sans que le titulaire du marché soit tenu de présenter de mémoire en réclamation contre ce décompte ». Cette solution a déjà été retenue par le Conseil d’Etat (CE, 8 août 2008, Société Bleu Azur, n° 290051, Lebon T.).

Le Conseil d’Etat apporte également un élément nouveau dans l’interprétation de ces dispositions en précisant que la notion du « tribunal administratif compétent » s’entend du juge du fond mais également du juge des référés. Ainsi, saisi sur le fondement de l’article R.541-1 du Code de justice administrative instaurant la procédure du référé provision, le juge administratif peut non seulement ordonner le versement d’une provision sur le solde, mais également établir le décompte en lieu et place du maître d’ouvrage.

A noter, d’une part,  que la rédaction de l’article 13.4.2 n’a pas été maintenue lors de la révision du CCAG Travaux en 2014 – désormais le CCAG prévoit qu’en cas de défaillance du maître d’ouvrage dans l’établissement du décompte et après mise en demeure, le titulaire peut lui substituer un décompte général qu’il établit lui-même et qui, après un délai de 10 jours, et à défaut de notification d’un décompte général par le maître d’ouvrage, devient définitif (CCAG Travaux 2009, version 2014, article 13.4.4).

A noter, d’autre part, que les CCAG ne s’appliquent à un contrat que dans la mesure où celui-ci le rend contractuel et uniquement pour les clauses auxquelles les parties n’ont pas entendues déroger – les dangers que représentent ces stipulations pour les maîtres d’ouvrage peuvent donc être évités par le biais des clauses particulières instaurant une dérogation.

A noter, enfin, que la refonte des CCAG annoncée par le Ministère de l’économie,  prévue à l’été 2021 peut modifier ce régime de décompte général et définitif tacite.

CE, 10 juin 2020, Société Bonaud, n° 425993, Lebon T.

Mercredi, 14 Octobre, 2020 - 10:15