Qu’est-ce la « nature globale » du contrat qu’il est interdit de modifier en cours d’exécution ?

Par un arrêt important, car rendu par les 7e et 2e chambre réunies et dont il est prévue la publication aux tables du Recueil Lebon, le Conseil d’Etat a apporté, le 15 novembre 2017, une première clarification quant au sens à donner à la notion de « nature globale du contrat ».

Pour rappel, les ordonnances relatives aux marchés publics et aux concessions (respectivement, articles 65 et 55) prévoient que ces contrats peuvent être modifiés en cours d’exécution, sous réserve toutefois que la nature globale du contrat ne soit pas changée.

La notion, non-définie clairement à ce jour, n’est pas sans soulever des difficultés quant à la régularité des modifications, tant son articulation avec les dispositions réglementaires (décret n° 2016-360 pour les marchés publics et décret n° 2016-86 pour les concessions) n’est pas évidente.

En effet, la doctrine s’interroge depuis l’entrée en vigueur de ces nouveaux textes sur l’interprétation de cette notion : doit-elle s’entendre de manière stricte – la nature du contrat serait changée si un marché public ou une concession n’en seraient plus – ou de manière large – la nature du contrat serait changée en cas de modification d’un de ses éléments tels l’objet ou le prix.

Alors qu’aucune de ces interprétations ne paraît réellement satisfaisante, le Conseil d’Etat a considéré que la résiliation partielle d’une concession « doit être regardée, eu égard à son ampleur, comme changeant la nature globale du contrat initial » ( en l’occurrence la résiliation partielle avait pour effet de limiter à la seule voirie le périmètre de la concession d’un service de stationnement englobant initialement huit parcs souterrains).

Le Conseil d’Etat prend en compte le fait que cette modification  bouleverse l'équilibre économique global de la concession, dans la mesure où le risque d'exploitation est structurellement plus faible pour le seul stationnement en voirie que pour une délégation mixte dans laquelle les deux volets se compensent pour aboutir à un équilibre du contrat.

La décision rendue par le Conseil d’Etat paraît donc plutôt aller dans le sens d’une interprétation large de la notion de nature globale du contrat.

Elle ne lève cependant pas toutes les interrogations, et notamment celle de l’articulation entre l’interdiction faite par les ordonnances et les modifications autorisées par les décrets, dont certaines, comme les clauses de modification permettent d’introduire en cours d’exécution des modifications sans limite de montant. N’est-pas nécessairement la modification de la nature globale du contrat ?

Un éclairage jurisprudentiel sur ces points est donc particulièrement attendu.

Pour consulter l’arrêt CE, Commune d’Aix-en-Provence, 15 novembre 2017, n° 409728 : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechExpJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000036028809&fastReqId=229776204&fastPos=1

Jeudi, 15 Février, 2018 - 07:45